Décision récente du Tribunal administratif du travail (TAT) en matière de harcèlement psychologique

19/05/2020

Décision récente du Tribunal administratif du travail (TAT) en matière de harcèlement psychologique

Tribunal administratif du travail (TAT)

 

Hénault et Collège d'enseignement général et professionnel de Lévis-Lauzon 2020, QCTAT 2125, (58 pages), 15 mai 2020.

 

Décideur

 

Myriam Bédard, juge administrative

 

Type d’action

 

Plainte de harcèlement psychologique fondée sur l’article 123.6 de la Loi sur les normes du travail, RLRQ, c. N-1.1., Accueillie.

 

Plainte de pratique interdite fondée sur l’article 122 de la Loi sur les normes du travail, RLRQ, c. N-1.1, Accueillie.

 

Résumé

 

Le collège d’enseignement général et professionnel de Lévis-Lauzon est condamné, par le tribunal administratif du travail (TAT), à verser à un ex-cadre une indemnité de 42 000 $ pour perte salariale, dommages moraux et dommages punitifs pour le traitement que lui a fait subir la haute direction.

 

Le 22 novembre 2010, Martin Hénault architecte de formation, est engagé comme coordonnateur du service des immeubles et équipements (SEI). Le 9 novembre 2018, ce dernier dépose une plainte fondée sur l’article 123.6 de la Loi sur les normes du travail, RLRQ, c. N-1.1, (LNT) contre son employeur. Il allègue être victime de harcèlement psychologique. Les comportements vexatoires se résument par des reproches, des avis verbaux ou écrits ainsi que différentes mesures qui lui sont imposées. Le 7 avril 2019, une seconde plainte est déposée qui découle de la première, mais cette fois fondée sur l’article 122 de la LNT. Ce dernier dénonce une mesure de représailles subie le 25 mars 2019 en raison, selon lui, de l’exercice de son droit de déposer une plainte pour harcèlement. Le 13 juin 2019, le plaignant quitte son emploi ne pouvant plus tolérer le harcèlement psychologique qui perdurait afin de préserver sa santé et sa dignité.


Le CÉGEP allègue, pour sa part, que les reproches formulés et les mesures imposées, à M. Hénault, visaient à corriger un comportement fautif. Aussi, l’établissement invoque que ces démarches ont été faites dans un esprit de saine gestion de fonds publics avec la préoccupation d’assurer la santé et la sécurité des usagers de l'institution.

 

Les questions en litige


Les questions en litiges se résument ci-après :


Plainte de harcèlement psychologique (art. 123.6 de la LNT)


1. Le plaignant a-t-il été victime de harcèlement psychologique ? 
2. L’employeur a -t-il fait défaut de respecter ses obligations prévues à l’article 81.19 de la Loi sur les normes du travail ?

 

Plainte de pratique interdite (art. 122 de la LNT)


1. Le plaignant a-t-il fait l’objet d’une pratique interdite pour avoir exercé un droit en vertu de la LNT? 
2. Le plaignant est-il en droit de demander l’annulation de la mesure disciplinaire ? 

 

La réclamation du plaignant


1. Le plaignant est-il en droit de réclamer une indemnité de perte salariale ? 
2. Le plaignant est-il en droit de réclamer des dommages moraux ?
3. Le plaignant est-il en droit de réclamer des dommages punitifs ?

 

Les faits


M. Hénault, architecte, est engagé le 22 novembre 2010 à titre de coordonnateur du service des immeubles et équipements (SIE). Ce service relève de la direction des services administratifs, finances et approvisionnements (DSA) dont le directeur est M. Gaudreault, et ce, depuis janvier 2016. Au moment de son embauche, ce dernier comptait près de vingt ans d’expérience auprès de différents employeurs dans les secteurs privés et publics. 


M. Hénault exerce des fonctions de gestion des ressources, des programmes, des activités (notamment de planification, organisation, direction, contrôle et évaluation) ayant trait à la gestion des immeubles et des équipements. De manière générale, il voit au suivi des projets et des travaux d’investissements notamment de construction, d’agrandissement, de transformation, d’aménagement de locaux, de bâtisses, des terrains ainsi qu’à la mise en place des nouveaux équipements : plans, devis, contrats, dessins d’ateliers, etc.


Le début des ennuis de M. Hénault semble coïncider avec l’arrivée de Mmes Fortier, Carrier et puis Drolet. En novembre 2017, il est informé, devant ses deux régisseurs et sans avoir été consulté au préalable, que certaines de ses responsabilités lui sont retirées. Il apprend que ses tâches se limiteront dorénavant à l’aspect administratif de sa fonction de coordonnateur. 


En janvier 2018, il est écarté d’un projet majeur visant la réalisation d’un important réaménagement du centre sportif. Ce projet est confié à un consultant externe par son supérieur, M. Gaudreault, sous prétexte que sa charge de travail actuelle, en lien avec les travaux de la bibliothèque, est considérable. 


Le 3 avril 2018, la directrice générale, Mme Fortier, devient sa directrice par intérim suite au départ pour cause de maladie de M. Gaudreault. Le 14 septembre 2018, Mme Fortier confie la direction de la DSA à Mme Drolet, l’analyste financière responsable du budget de fonctionnement de la DSA. Cette dernière n’a aucune expérience de gestion.


En avril 2018, un plan de réorganisation du service qu’il coordonne (SIE) est déposé par la directrice des ressources humaines, Mme Carrier. Cette restructuration fait suite au rapport de février 2016 du consultant externe, M. Demers. Ce dernier avait été mandaté par l’établissement afin d’évaluer le climat organisationnel impliquant le SEI. Plusieurs plaintes non-officielles avaient été acheminées au service des ressources humaines concernant le climat de travail ainsi que les relations tendues entre les employés.


Le 25 avril 2018, M. Hénault reçoit un avis de convocation de Mme Fortier, pour une rencontre disciplinaire prévue le lendemain. Lors de cet entretien, elle lui remet une lettre d’avertissement relative à un « grave manquement » qui remet en cause ses compétences. Cette lettre est, par la suite, retirée de son dossier. 

 

Le 23 août 2018, M. Hénault est convoqué pour une seconde rencontre disciplinaire. Lors de cette rencontre, plusieurs reproches lui sont adressés notamment la chute d’un bloc de béton. 


Le 12 octobre 2018, deux autres lettres d’avertissement sont transmises à ce dernier par la directrice générale, Mme Fortier, à quelques minutes d’intervalle. La première lettre fait suite aux rencontres des 26 avril et 23 août au cours desquelles des « préoccupations majeures » ont été discutées. Mme Fortier décrit plusieurs reproches généraux notamment « prendre les initiatives appropriées, respecter l’autorité, voir au respect des règles et faire part immédiatement de tout délai ou enjeu relatifs aux projets dont il est responsable. » Cette première lettre d’avertissement se conclut en ces termes :


« Sachez qu’à la lumière des événements qui vous sont reprochés, il m’est dorénavant difficile de ne pas entretenir de doutes quant à votre capacité à assumer le rôle de coordonnateur et cela fragilise le lien de confiance nécessaire à votre maintien dans vos fonctions.


Je m’attends à ce que vous vous conformiez à cette lettre d’avertissement sans délai. Dans le cas contraire, en fonction du degré, vous serez passible de mesures disciplinaires plus sévères pouvant mener à votre congédiement.


La teneur du présent envoi doit demeurer confidentielle.»


La seconde lettre d’avertissement concerne la gestion contractuelle, plus précisément les travaux de la bibliothèque. Elle lui reproche d’avoir « une fois de plus, transgressé les règles » et constate de « graves manquements ». Un imbroglio est survenu concernant l’installation de douze luminaires. Cette lettre d’avertissement se termine en ces termes :


« Veuillez donc considérer cette lettre comme un deuxième avertissement. Soyez avisé qu’au prochain manquement, en fonction de son degré, vous serez passible de mesures disciplinaires plus sévères pouvant mener au congédiement. »

 

Le 24 octobre 2018, Mme Fortier lui reproche, à tort, d’avoir une fois de plus transgressé les règles en matière d’approbation de modifications à un contrat.

 

Le 9 novembre 2018, M. Hénault dépose sa plainte de harcèlement psychologique. 

 

Le 25 mars 2019, M. Hénault est de nouveau convoqué pour une rencontre disciplinaire. 

 

Le 7 avril 2019, M. Hénault dépose sa seconde plainte pour pratique interdite. Deux rencontres sont finalement tenues les 12 et 15 avril 2019 relativement aux reproches formulés envers M. Hénault.

 

M. Hénault annonce sa démission le 31 mai effective le 13 juin 2019.

 

Le droit applicable et la jurisprudence

 

En matière de harcèlement psychologique en milieu de travail, le tribunal a rappelé les dispositions législatives applicables aux salariés et employeurs assujettis à la Loi sur les normes du travail, RLRQ, c. N-1.1. et a fait une revue de la jurisprudence.


[214] Les articles 81.18 et 81.19 de la Loi sur les normes du travail prévoient les droits et obligations des salariés et des employeurs en matière de harcèlement psychologique :


81.18. Pour l'application de la présente loi, on entend par « harcèlement psychologique » une conduite vexatoire se manifestant soit par des comportements, des paroles, des actes ou des gestes répétés, qui sont hostiles ou non désirés, laquelle porte atteinte à la dignité ou à l'intégrité psychologique ou physique du salarié et qui entraîne, pour celui-ci, un milieu de travail néfaste. […]


Une seule conduite grave peut aussi constituer du harcèlement psychologique si elle porte une telle atteinte et produit un effet nocif continu pour le salarié.


81.19. Tout salarié a droit à un milieu de travail exempt de harcèlement psychologique.
L'employeur doit prendre les moyens raisonnables pour prévenir le harcèlement psychologique et, lorsqu'une telle conduite est portée à sa connaissance, pour la faire cesser. […]


[215] Quatre éléments sont donc requis pour conclure au harcèlement : 


• Des comportements, paroles ou gestes répétés, hostiles et non désirés;
• Une conduite vexatoire;
• Une atteinte à la dignité ou à l’intégrité physique ou psychologique;
• Un milieu de travail devenu néfaste.


[216] Les objectifs des dispositions en cause ainsi que l’interprétation qu’elles doivent recevoir ont maintes fois été discutés par les tribunaux.


[217] La Cour suprême, dans Robichaud c. Conseil du Trésor du Canada, [1987] 2 R.C.S. 84, une affaire de harcèlement sexuel, dégage un principe désormais appliqué en matière de harcèlement psychologique. Essentiellement, la Cour affirme que la loi vise l’élimination d’actes répréhensibles et non la punition, de sorte que les motifs ou les intentions des harceleurs n’ont pas à être pris en compte dans l’analyse.


[218] La Commission des relations du travail réitère qu’aucune intention de nuire n’est requise pour conclure au harcèlement dans Leblanc c. Municipalité de la paroisse de Saint-Roch-de-Mékinac, 2010 QCCRT 0452 :


[24] En contexte de harcèlement professionnel, il y a lieu de retenir les mêmes principes d’interprétation qui ont été dégagés en regard des règles interdisant la discrimination au sens de la Charte des droits et libertés de la personne (la Charte), notamment dans l’arrêt Robichaud c. Conseil du Trésor du Canada [1987] 2 R.C.S. 84, en regard du harcèlement sexuel. Il n’y a pas à rechercher dans le comportement sous examen une intention de nuire. D’une part, la norme légale relative au harcèlement psychologique vise à assurer au salarié un milieu de travail exempt de harcèlement (Loi, article 81.19). D’autre part, les mécanismes de correction, prévus à la Loi pour assurer le respect de cette norme, ne visent pas à punir l’auteur du harcèlement, mais à offrir une voie de recours à la victime. 

 

[219] Ainsi, la responsabilité d’offrir un milieu de travail exempt de harcèlement psychologique appartient à l’employeur qui doit mettre en œuvre les moyens pour prévenir cette situation ou la faire cesser si elle est portée à sa connaissance, et ce, indépendamment des intentions de nuire ou de l’absence de telles intentions qui pourraient être constatées.


[220] Il est aussi bien établi que c’est l’ensemble de la conduite des parties et non chaque événement pris séparément ou isolément qu’il faut examiner.


[211] L’arbitre Hamelin dans Centre hospitalier régional de Trois-Rivières (Pavillon St-Joseph) c. Syndicat professionnel des infirmières et infirmiers de Trois-Rivières, [2006] R.J.D.T. 397 (T.A.), traite de cet aspect en ces termes :


[189] En matière de harcèlement psychologique, les caractères vexatoire et répétitif de la conduite reprochée sont essentiels et il faut nécessairement embrasser une perspective d’ensemble afin d’apprécier le réel degré de gravité de la conduite reprochée.
[…]


[193] Le harcèlement est une conduite socialement inacceptable, qui s’enracine dans un continuum et un contexte précis de temps et de lieu, qui ne peut donc être apprécié correctement que si l’on tient compte de la situation d’ensemble.

 

L’analyse et les motifs de la décision 

 

La plainte de harcèlement psychologique

 

Le tribunal s’exprime ainsi quant à la preuve administrée devant le tribunal par les parties : 


[265] Pour le Tribunal, le Cégep ne parvient pas à démontrer que des fautes de la gravité alléguée ont été commises et que la charge disciplinaire humiliante à plusieurs égards était justifiée dans les circonstances. 


[266] Avant de bombarder de reproches un employé qui justifie de huit ans de service et d’un dossier disciplinaire vierge, d’autres moyens de manifester l’insatisfaction étaient accessibles, en commençant par la détermination d’attentes claires et la réalisation d’évaluations périodiques.


[267] Les explications fournies par monsieur Hénault au fil des mois apparaissent raisonnables et convaincantes et forcent à conclure que la discipline exercée ne trouve aucune justification dans les faits, comme ils sont présentés.


[268] Revenant à la définition du harcèlement psychologique prévue à la Loi, on peut aisément constater des comportements et des paroles hostiles et non désirés par monsieur Hénault. Qu’il suffise de mentionner les propos émanant de la directrice générale voulant que le coordonnateur en poste depuis huit ans n’ait pas la capacité d’assumer ses fonctions et de satisfaire les attentes et mettant en doute sa loyauté et son professionnalisme. La conduite vexatoire de la directrice générale et de la directrice de la DRH est indiscutable, notamment lorsqu’elles portent des accusations avant même d’avoir recueilli la version de monsieur Hénault, le convoquant pour lui remettre une lettre d’avertissement et en le menaçant de considérer des facteurs aggravants. Il ne s’agit certes pas de l’exercice raisonnable du droit de gérance.

 

[269] Ces comportements atteignent le coordonnateur dans sa dignité certainement, ainsi que dans son intégrité professionnelle et psychologique, lui faisant vivre un stress continuel pendant plus de 18 mois.


[270] Cette situation crée à l’évidence un milieu de travail néfaste. Les références de la directrice générale aux propos que lui auraient rapportés les collègues de monsieur Hénault, sans les nommer, et ses supérieurs successifs sont à eux seuls de nature à faire naître une méfiance inconciliable avec de saines relations du travail. Elles sont, à l’évidence, de nature à engendrer un climat néfaste pour tous.


[271] Dans, Robert P. GAGNON, Le droit du travail du Québec, 7e éd., par Yann BERNARD, André SASSEVILLE et Bernard CLICHE (dir.), Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2013, p. 128, on peut lire ce qui suit :


136 Valeur et importance du travail - On tend parfois à sous-évaluer l’importance du travail en lui-même, c’est-à-dire abstraction faite de la rémunération qui peut y être associée. Pour beaucoup de personnes, le travail représente davantage qu’un gagne-pain. Il constitue un moyen de réalisation personnelle et une occasion de valorisation. Les en priver peut donc porter atteinte à leur dignité, voire à l’intégrité de leur santé physique ou mentale. La Cour suprême s’en est montrée consciente et l’a signalé en plusieurs occasions : 


Le travail est l’un des aspects les plus fondamentaux de la vie d’une personne, un moyen de subvenir à ses besoins financiers et, ce qui est tout aussi important, de jouer un rôle utile dans la société. L’emploi est une composante essentielle du sens de l’identité d’une personne, de sa valorisation et de son bien-être sur le plan émotionnel. C’est pourquoi, les conditions dans lesquelles une personne travaille sont très importantes pour ce qui est de façonner l’ensemble des aspects psychologiques, émotionnels et physiques de sa dignité et du respect qu’elle a d’elle-même.


[Notes omises]


[272] Même si certains événements relatés avaient pu être considérés comme des comportements fautifs, ce qu’aucune preuve convaincante ne démontre, les circonstances ne pouvaient justifier une telle gestion par le Cégep. La gravité alléguée ne se révèle pas. Il n’est pas tenu compte du contexte de changements de gestionnaires qui entraîne nécessairement des ajustements. L’absence d’expertise des directrices par intérim et leur méfiance injustifiée à l’égard de monsieur Hénault, pour utiliser un euphémisme, ne sont pas non plus considérées, pas plus que le fait que certaines des décisions reprochées ont été prises de concert avec le directeur absent pour cause de maladie. Or, on fait porter tout le poids de nombreuses décisions sur le seul coordonnateur qui, comme il le rappelle, n’a pas tout décidé seul.

 

[273] Les directrices semblent être arrivées en ignorant le travail déjà accompli dans les dossiers en cours, les approbations déjà données, les enlignements pris de concert avec le directeur de la DSA. 


[274] De plus, les reproches formulés à l’endroit de monsieur Hénault, souvent en termes généraux, sont appuyés sur les propos ou jugements de tiers qui n’ont pas témoigné devant le Tribunal. Ces faits, prétendument rapportés à la direction, ne sont d’aucune façon vérifiés auprès du coordonnateur avant de faire l’objet de reproches, de convocations disciplinaires, de lettres avertissements et de menaces de congédiement. Aucune des explications fournies par monsieur Hénault ne semble satisfaire ses dirigeantes qui font complètement abstraction de la gestion et de la planification des travaux faites jusque-là et qui, par ailleurs, ne sont en mesure de ne contredire aucune des justifications apportées. 


[275] Il semble que madame Fortier accumule depuis des mois sinon des années des commentaires négatifs certainement pas toujours fondés, mais auxquels elle ne confronte pas le principal intéressé et qu’elle tient pour avérés. Lorsqu’elle décide d’assumer l’intérim à la direction de la DSA, elle arrive avec ces idées négatives en tête, que tout le monde se plaint de monsieur Hénault qui refuse par entêtement de modifier ses pratiques, selon ce que lui auraient rapporté ses supérieurs de l’époque. C’est aussi ce qu’elle lui reproche aujourd’hui, mais ne précise pas les pratiques qu’elle voudrait voir changer si ce n’est que quelques événements anecdotiques qui, la plupart du temps, lui sont rapportés par d’autres et qu’elle ne constate donc pas elle-même. Elle ne vérifie pas non plus auprès de monsieur Hénault sa version des faits au fur et à mesure des récriminations. C’est ainsi, qu’après certains incidents, pour elle la coupe est pleine alors que monsieur Hénault n’a entendu parler de rien, du moins pas de façon claire. 


[276] C’est probablement ce qui explique l’exaspération de madame Fortier et l’ahurissement de monsieur Hénault.


[277] Comme elle le dit, il n’y a eu aucun conflit avec monsieur Hénault. Ils ne se sont jamais chicanés, ce qui a sans doute contribué à la surprise du coordonnateur à chaque lettre.


[278] Le processus disciplinaire entrepris est nettement abusif et s’écarte considérablement de l’exercice raisonnable du droit de gérance. (voir notamment : Diaconu c. Municipalité de la paroisse de Saint-Télesphore, 2012 QCCRT 513 et Vézina c. Agence universitaire de la Francophonie, 2008 QCCRT 499). Ce processus entrepris, vu dans son ensemble, constitue une manifestation de harcèlement psychologique.


La plainte de pratique interdite


Dans le cadre de ce recours, M. Hénault bénéficie d’une présomption voulant qu’il ait subi une sanction en raison de l’exercice d’un droit. Le fardeau repose sur l’employeur afin de repousser cette présomption et démontrer qu’il existe une autre cause juste et suffisante pour cette sanction. Les motifs invoqués par l’employeur, notamment l’exercice de son droit de gérance considérant les manquements graves invoqués, n’ont pas convaincu le tribunal et ne suffisent pas à repousser la présomption. 

 

Les conclusions


Les deux plaintes sont accueillies. La sanction imposée à M. Hénault, le 25 mars 2019, est annulée. Le Tribunal déclare que M. Hénault a été victime de harcèlement psychologique et que son employeur a fait défaut des respecter ses obligations prévues à l’article 81.19 de la Loi sur les normes du travail (LNT). Le Tribunal ordonne au CÉGEP de verser une indemnité de 42 000$ pour perte salariale, dommages moraux et punitifs.

 

Pour consulter l'intégralité de la décision 

 

 

Billet rédigé par: S. Couture, Médiatrice accréditée

 

 
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